Selon Amnesty International, l’enquête a été menée dans 14 villages issus des quatre provinces du Sud du Tchad ( Moyen Chari, Logone Occidental, Mandoul, Logone Oriental. Le Rapport est intitulé : « Vivre de la terre et mourir pour elle ». Les conflits entre agriculteurs et éleveurs issus de ces provinces, sont exacerbés par les pressions générées par le changement climatique dans quatre provinces, de 2022 à 2024. « Ces violences ont causé 98 décès, plus de 100 blessés et ont laissé des centaines de familles sans abri ni moyen de subsistance. Selon les données des Nations Unies, les victimes de ces affrontements se chiffrent par milliers », souligne l’organisation.
Amnesty International reproche l’inaction de N’Djaména
Pour Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International, « les autorités échouent à assurer une protection adéquate face aux violences persistantes entre éleveurs et agriculteurs. Les forces de sécurité réagissent souvent avec un certain retard, et les personnes suspectées de meurtres, de pillages et de destructions de biens font rarement l’objet de poursuites judiciaires, ce qui renforce un sentiment d’impunité et de marginalisation au sein des communautés. »
Le changement climatique favorise les conflits meurtriers
En résumé, Amnesty rapporte qu’un conflit survenu le 26 août 2019 dans le village de Sandana, situé dans le Moyen Chari, a pris une tournure tragique après l’intrusion de bétail dans un champ. Cet incident a entraîné la mort de sept personnes, huit autres ont été blessées, et plus de 140 têtes de bétail ont été dérobées. De plus, le 9 février 2022, une nouvelle attaque dans le même village a causé 13 décès. Le rapport mentionne également plusieurs attaques moins médiatisées, notamment celle de Pala Koudja, dans le Logone Occidental. « Le 30 août 2024, l’intrusion répétée d’un troupeau a provoqué une violente confrontation entre éleveurs et agriculteurs, entraînant trois morts et sept blessés. De plus, dans la nuit, des individus non identifiés ont incendié 53 maisons », précise le rapport.
Lire: le rapport d’Amnesty International
Par ailleurs, les frictions entre éleveurs et agriculteurs sont intensifiées par la pression démographique, les conséquences du changement climatique provoquées par les activités humaines, particulièrement en ce qui concerne les déplacements des troupeaux, ainsi que la compétition pour l’accès aux ressources naturelles. La hausse des températures dans le centre du pays a entraîné le déplacement de nombreux éleveurs vers le sud pour pâturer leurs animaux ou pour s’établir dans les provinces du sud, tandis que les agriculteurs tentent d’étendre et de diversifier leur production. « Les altercations sont souvent causées par des incidents tels que le piétinement des champs par le bétail ou des cultures obstruant les couloirs de transhumance, et peuvent affecter l’ensemble des communautés », rapporte-t-il.
Les protestations comme moyens de pression pour se faire entendre
Depuis 2014, les représentants de l’administration locale sont confrontés à un souci persistant avec les éleveurs, « un problème que j’ai relayé au chef de canton et au sous-préfet sans obtenir de réponse » (selon un représentant local). En 2023, nous avons été victimes d’une attaque par un groupe armé, entraînant tragiquement la mort de 18 personnes et faisant 11 blessés. Notre indignation a conduit à la décision de déposer les corps sur la route en signe de protestation, comme le souligne Amnesty International.
Les réponses structurelles
D’après Amnesty, le véritable problème réside dans l’impunité, qui demeure une caractéristique marquante de ces affaires. Parmi les sept vagues d’affrontements documentées dans le rapport, seules trois ont conduit à des procès. Trente-sept individus ont été condamnés à l’issue de ces procédures judiciaires. Agnès Callamard soutient que « les conséquences du changement climatique vont intensifier les tensions entre éleveurs et agriculteurs. Il est donc impératif de trouver des solutions structurelles et durables s’appuyant sur les droits humains. Cela implique de renforcer la présence des forces de l’ordre, de mettre en œuvre une politique proactive de désarmement, d’établir un cadre juridique cohérent pour la transhumance, de revitaliser les comités conjoints de prévention des conflits et d’élaborer un plan national d’adaptation au changement climatique. »
Djougoumma. T/Afriki24/N’Djaména/Tchad
